'Cartel' du lait? Plongée au cœur du puissant lobby laitier québécois
Les Producteurs laitiers du Canada exercent une influence considérable, capable de mettre un terme à des carrières politiques. « Ils s’attaquent aux gens. Ils l’ont fait avec moi, ils l’ont fait avec d’autres et ils continueront, car on parle ici de milliards et de milliards de dollars », affirme Sylvain Charlebois, expert en distribution alimentaire et en politiques agroalimentaires.
La gestion de l’offre et les barrières au commerce interprovincial restent des obstacles majeurs à la compétitivité économique du Canada. Ces politiques limitent la concurrence, maintiennent des prix artificiellement élevés et pèsent lourdement sur le portefeuille des consommateurs, tout en freinant le plein potentiel des producteurs.
Même le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré que la gestion de l’offre pour les produits laitiers était « non négociable » lors de sa récente visite à Washington. Pour mieux comprendre l’impact de ces politiques et les possibilités de réforme, nous avons interrogé Sylvain Charlebois, professeur à l’Université Dalhousie et spécialiste en politique et distribution alimentaire.
Premier Legault says any changes to Quebec's dairy cartel are "not negotiable," claiming "it's a way to protect small farms in all the regions" of the province. pic.twitter.com/kT3oW5XWdG
— Rebel News (@RebelNewsOnline) February 12, 2025
Selon Charlebois, la gestion de l’offre est devenue hautement politisée, en grande partie à cause de son enracinement au Québec. « La moitié des fermes laitières sont au Québec, et politiquement, ce groupe, les producteurs laitiers du Québec, La Fédération, contrôle tout », explique-t-il. « Leur influence est énorme, ils dépensent plus de 9 à 10 dollars par Canadien chaque année rien qu’en marketing. »
Le système repose sur un enchevêtrement de quotas gérés par les provinces, de tarifs sur les importations et d’une société d’État qui fixe des prix jugés « équitables ». « Les politiciens n’y comprennent absolument rien », souligne Charlebois. « On leur dit que ça fonctionne pour tout le monde, mais en privé, ils admettent que c’est extrêmement compliqué. »
L’un des problèmes majeurs concerne les restrictions sur le commerce interprovincial. « Si vous voulez ouvrir une fromagerie ou une laiterie dans les provinces de l’Atlantique, il n’y a pas de quotas disponibles—vous devez aller au Québec », explique Charlebois. « Tout est centralisé, ce qui étouffe l’innovation. »
Maxime Bernier annonce qu'il se présentera en Beauce lors des prochaines élections, faisant de l'abolition du cartel de la gestion de l'offre son principal enjeu. pic.twitter.com/JwukdjgtxO
— Guillaume Roy (@guillaum3roy) February 13, 2025
Il pointe aussi du doigt les inefficacités de production. « Au Québec, la ferme moyenne possède 80 vaches, alors qu’en Alberta, c’est 220. Il en coûte donc beaucoup moins cher de produire du lait en Alberta », explique-t-il. « Si on abolissait la gestion de l’offre du jour au lendemain, on verrait probablement une migration de la production vers l’Ouest. »
Malgré ces problèmes, le changement semble hors de portée. « Les Producteurs laitiers du Canada peuvent détruire des carrières politiques. Ils s’attaquent aux gens—je l’ai vu de mes propres yeux », met en garde Charlebois. « Ils possèdent les politiciens, les écoles d’agriculture et des sociétés d’État comme Financement agricole Canada et la Commission canadienne du lait. »
Le manque de concurrence affecte aussi la qualité et le choix des consommateurs. « Au Canada, le lait industriel coûte trois fois plus cher qu’aux États-Unis, ce qui réduit le choix en épicerie et freine l’innovation », explique Charlebois. « La Nouvelle-Zélande avait aussi un système de gestion de l’offre, mais ils s’en sont débarrassés. Aujourd’hui, leur industrie laitière exporte plus de 20 milliards de dollars de produits vers l’Asie chaque année. Nous avons besoin d’une telle vision stratégique. »
Rebel News a tenté de contacter les Producteurs laitiers du Canada ainsi que l’Union des producteurs agricoles pour obtenir leur version des faits, mais n’a toujours pas reçu de réponse. Si une déclaration nous est transmise, nous l’ajouterons ici.

Alexandra Lavoie
Quebec based Journalist
Alexa graduated with a degree in biology from Laval University. Throughout her many travels, she has seen political instability as well as corruption. While she witnessed social disorder on a daily basis, she has always been a defender of society’s most vulnerable. She’s been around the world several times, and now joins Rebel News to shed light on today’s biggest stories.
